On nous a dit de vous dire

Salut à toutes et à tous,


Une femme qui a participé à la soirée rencontre avec François Ruffin nous a envoyé ce petit compte rendu. On l'a mis aussi sur Indymedia. Merci à elle. N'hésitez pas à nous transmettre ce genre d'initiative, ça fait plaisir, et puis ça serta à celles et ceux qui ne pouvaient pas assister à la soirée. Et en plus, ça fait vivre notre blog!

A très bientôt!

Mardi 28 septembre, il y avait François Ruffin aux Bas Côtés. J’ai été surprise de voir qu’autant de monde s’était déplacé pour écouter ce monsieur qui était descendu de sa Picardie pour nous parler, non pas du journal Fakir mais de « la lutte des classes et des média ». Il a attaqué bille en tête en nous expliquant que faire son journal, c’était bien, mais qu’il ne fallait pas rester dans la niche de la presse dite « alternative », et qu’il fallait reconquérir les média dominants, ce qui m’a semblé lucide de sa part.

Il a d’abord expliqué qu’il avait longtemps hésité à parler de « lutte des classes », concept qui peut sembler un peu poussiéreux et trop marxisant, mais qu’au vu de son expérience, de ses rencontres, et de son travail de journaliste, il ne pouvait faire autrement pour expliquer correctement ce que nous vivions encore de nos jours, même si pour certaines et certains à cette soirée, on ne voyait pas trop à quoi cela se rattachait. Quelques exemples ont suffit à nous montrer que oui, il y avait bel et bien une lutte des classes en France et dans le monde encore de nos jours. Il a d’ailleurs sorti une phrase de Warren Buffet, l’un des hommes les plus riches du monde qui dit : « La lutte des classes existe, et c’est la mienne, celle des riches, qui la mène et qui est en train de la gagner ». A croire que seuls les dominants savent qu’ils forment une classe aux intérêts communs. Pendant que nous continuons à nous bouffer le nez.

La discussion a été riche et très intéressante, malgré sa longueur. Deux ou trois points m’ont frappé, que j’aimerais faire partager à celles et ceux qui liront ce texte.

Tout d’abord, le fait qui m’a le plus marqué, c’est qu’il semblait qu’il y avait deux gauches ce soir là à débattre. On a pas mal discuter des retraites, et c’est là que le clivage est apparu, même s’il n’est sûrement pas aussi tranché que je vais le décrire. Il s’agit de la séparation entre une gauche « productiviste », prête à se battre pour les retraites sans remettre radicalement en cause le système actuel, c’est-à-dire à agir sur les racines du problème. Il s’agit d’abord de garantir une retraite descente à tout le monde (un million de retraité en France vit sous le seuil de pauvreté aujourd’hui en France, et la grande pauvreté chez les vieilles et les vieux, quasiment éradiqué avec le système de retraite établi en 1944, est en train de réapparaître, nous racontait-on à cette soirée). Et pour cela, il n’est pas besoin de réfléchir à ce que pourrait être une société autre. Il faut se battre tout de suite pour ça.

Une seconde gauche, peut-être plus jeune (du moins, les intervenantes et les intervenants défendant les thèses ce soir-là l’était), disait : « de toute façon, la retraite, on l’aura pas (on a travaillé tard, on gagne peu, on a que des emplois précaires) et on a pas envie de se battre pour ça », avec le sous-entendu que c’était l’ensemble du système qui était à revoir, et que la vie, ma foi, était ailleurs.

Le problème que cela souligne est, à mon sens, le suivant : comment sortir du capitalisme en préservant des services publics corrects ? Ou encore, pour poser le problème en d’autres termes : comment penser la justice sociale et une société descente sans croissance ? Personne à ce jour n’a la réponse, mais cela va être un des gros défis à surmonter si on veut proposer un projet autre que « le plein emploi » comme sortie politique à la crise.

Un autre point abordé a été le divorce entre la classe ouvrière et la petite bourgeoisie intellectuelle, qui sont les deux supports traditionnels de la gauche. On a pas parlé (j’ai pas osé intervenir, je prenais des notes mentalement pour faire ce compte-rendu) du fait que le Front National était devenu le « premier parti ouvrier de France » et que la petite bourgeoisie intellectuelle (cela étant dit sans connotation péjorative par les intervenantes et les intervenants ce soir-là) était plus intéressée par la défense du libéralisme des mœurs (qui, à mon sens, ne fait que renforcer le libéralisme économique, l’un et l’autre étant les deux versants d’une même médaille) que par une réelle lutte anticapitaliste.

Ceci étant posé, il reste la question : comment faire pour que ces deux forces puissent se retrouver et lutter côte à côte contre les dominants ?

Enfin, une jeune femme a exposé ses projets de retour à la terre, ce qui a fait bondir une partie de l’auditoire sur le thème : « tu peux pas t’en sortir toute seule » ou « ça marchera pas ». S’il est vrai que beaucoup de citadines et de citadins fantasment sur un retour à la terre, le débat fait surgir une fois encore le clivage entre gauche productiviste et gauche anti-productiviste. Peut-être que la jeune femme présentait ses idées de façon un peu maladroite, mais elle avait le mérite de le faire.

Là encore, quelques remarques : si le « retour à la terre » (comme on disait il y a 40 ans déjà) est désiré par une partie de la jeunesse (et par de plus anciens), celle-ci ne se berce pas d’illusions, ou moins, que la génération précédente, et cela pour plusieurs raisons. La plus évidente à mes yeux, c’est qu’à l’époque, le chômage n’existait pas. On partait faire pousser des chèvres en Ardèche, sur le Larzac, en Ariège, et si ça ne marchait pas, on revenait avec la certitude de retrouver du boulot en ville. Aujourd’hui, ce genre d’exil vaut déclassement. Et les projets qui se montent à l’heure actuelle de retour à la campagne me semblent un peu plus chiadés que ceux de l’époque, n’en déplaisent à celles et ceux qui ont gardé des années 70 rurales un goût amer.

En tout cas, et pour terminer sur ce point, une chose est sûre : ce genre de projet, s’il est intéressant à titre d’expérimentation, et plaisant à titre personnel, n’est malheureusement pas généralisable, du moins pas dans l’état actuel de la société ni avec l’imaginaire des gens en 2010, bien loin du fameux « an 01 ». Pour faire le parallèle avec ce que me disait un copain paysan bio, fils de paysan conventionnel : « Installer de jeunes agriculteurs en bio, c’est bien, mais ce qu’il nous faut surtout, c’est convertir (le mot n’est pas trop fort) les agriculteurs conventionnels à l’agriculture biologique. Sinon, vu le temps nécessaire, et le ratio entre les deux populations, on y arrivera jamais. »

Je crois que la question qui se pose à l’heure actuelle pour notre société dans son ensemble est bel et bien le même : expérimenter à la campagne ou en ville (avec des lieux « alternatifs », des squats, des SELS, et tout ce que vous voulez) c’est très bien, ça permet d’imaginer d’autres possibles. Mais ce qu’il nous faut, c’est permettre à la plus grande partie de la population de pouvoir avoir à nouveau prise sur son quotidien pour réorienter la société et créer une forme plus descente, plus juste et plus digne de société. Et pour cela, seule la lutte paye !

2 commentaires:

marilyne a dit…

au delà de l'intérêt du texte j'ai bien aimé le lapsus "retraite descente"!fort à propos.

marilyne a dit…

au delà de l'intérêt du texte j'ai bien aimé le lapsus "retraite descente"!fort à propos.